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Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/43

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conviens ; mais de là à ces armées qui envahissent toute la partie valide de la nation, il y a loin. À quoi servent-elles ? — Je vais vous le dire : à tenter les ambitieux, à leur faire rêver conquêtes, à les entraîner à se ruer sur leurs voisins pour les dépouiller, en un mot, à égorger des hommes et à les voler. Les grandes armées, que la majorité y songe, ne sont levées que contre l’humanité.

Le 26 août j’apprends la mort de ma bonne grand’tante Mme Delahante ; elle avait quatre-vingt-huit ans ; elle était née de Parseval. C’était une femme de grande distinction et d’une raison parfaite. Je n’ai jamais vu un caractère plus égal : je crois que, dans toute sa vie, elle ne s’est jamais mise en colère.

Ce jour-là je rencontre, à dîner, P. Persoz, professeur au Conservatoire des arts et métiers, à Paris, et M. Scholl, ancien officier supérieur de la garde suisse du roi de Naples. C’est un homme à figure ouverte et franche, aux manières agréables, et avec qui je fus bientôt lié et le suis encore. Il avait été élevé avec M. Agassiz, et connaissait M. de Bonstetten, le savant archéologue, qui est aussi de mes amis. M. Scholl habite Bienne, dans le Jura suisse.

J’avais remarqué, au haut bout de notre table, un homme à barbe grisonnante et d’une noble figure, ayant à ses côtés une dame également remarquable par sa grâce et sa distinction. Ce personnage était l’objet d’une attention particulière : tout le monde allait le saluer. Il était entouré de ses propres domestiques, et on le servait toujours le premier. J’appris que c’était le marquis Giorgio Pallavicino-Trivulce, un des plus nobles et des plus riches propriétaires du Piémont, et connu