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Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/66

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Nous sommes à Suse, située à la jonction du Mont-Cenis et du Mont-Genèvre. Cette petite ville, dont la population est de deux mille âmes, est très-ancienne. On y montre un arc-de-triomphe dédié à Auguste et dont l’érection date d’avant notre ère. — Là s’élève une dispute entre un garçon d’écurie et un soldat qui l’a traité de Mauriennais. Ici on ne veut pas être de la Maurienne, comme en Corse on ne veut pas être de Lucques, et c’est une grosse injure que d’être appelé Lucquois. Je me souviens de la fureur dans laquelle se mettaient, quand j’étais à l’école, mes camarades nés à Amiens, lorsque nous les nommions Amiénois. Ils voulaient bien être d’Amiens, mais non être des Amiénois. Mangeurs de noix, ajoutions-nous, parce qu’Amiens, dit la chronique, a été pris par les Espagnols à l’aide de sacs de noix qu’ils avaient répandus devant les portes pour distraire la garnison. Ces haines de ville à ville, et elles ne sont que trop fréquentes, viennent presque toujours de causes aussi futiles qui résistent à la fois au temps et au sens commun.

Ce qui m’a frappé à Suse, c’est que la façade des maisons, ou ce qui regarde la rue, est ordinairement sans fenêtre. Est-ce pour échapper à l’impôt ou à la curiosité ?

Les lieux habités que l’on rencontre de Suse à Turin sont, nous dit le Gênois : Russolino, sur la rivière de Doire, village de cinq à six cents âmes ; Saint-Georges et Saint-Antonin, qui en ont à peu près autant ; Saint-Ambroise, bourg de huit cents habitants, dominé par la montagne de Saint-Michel que couronne un couvent abandonné ; Avigliano, espèce de ville où sont des