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Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/86

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pondit le galopin ; ne les a-t-on pas mis tous ensemble ? ne les ai-je pas vus, moi ? — Ils sont morts pour nous défendre, dit l’ex-militaire ; ils sont tous en paradis. » Et il fit le signe de la croix, ce que notre gamin s’empressa d’imiter.

Sa dévotion ne l’empêchait pas de songer à ses intérêts, et il profita de la circonstance pour renouveler sa provision de projectiles, ce qu’il n’eût pu faire s’il n’eût été en ma compagnie : la police locale avait été obligée de mettre ordre à ces recherches des enfants qui, si on les avait laissés faire, eussent imité les chiens et les corbeaux, et fouillé les tombes.

Parmi les balles que je recueillis sur le sol, il y en avait beaucoup de coniques. Les débris d’armes, d’obus et de mitrailles n’y étaient pas encore rares, mais ils ne tarderont pas à le devenir, et il en sera ici comme à Waterloo où il s’en est établi une fabrique qui fonctionne depuis un demi-siècle de manière à contenter tout le monde, et dans un autre demi-siècle, ceux qui feront ce pèlerinage n’en reviendront pas non plus les mains vides. Je me souviens que dans ma jeunesse, visitant, près de Pérouse, le champ de bataille de Trasimène, mon guide m’offrit à acheter des pierres à fusil provenant de cette bataille.

Parmi les balles que j’ai recueillies à Magenta, il en est une que j’ai extraite d’un arbre qui probablement a sauvé la vie à un homme. Si j’avais habité le voisinage, je l’aurais fait transporter dans mon jardin. Les branches de plusieurs de ces arbres, presque tous des mûriers, ont été coupées par les projectiles, comme si un bûcheron y avait passé. Les vignes ne semblent pas