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Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/91

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là bien en harmonie avec la majesté du lieu et aussi avec l’âme et la nature de l’homme : le chant est inné en lui ; il faut l’apprendre à parler, l’y contraindre même, tandis que le plus petit enfant, comme le petit linot, chante avant qu’on l’y invite.

Ceci me ramène à cette question agitée si souvent :

Quelle est la langue première
Qu’ici-bas l’homme parla ?
Jusqu’à ce jour, ce mystère,
Nul ne nous le révéla.
Ce ne fut pas la bretonne,
La picarde ou le lorrain,
Moins encore la gasconne
Ou celle du Limousin.
Ce silence ne m’étonne,
Car si l’histoire ne donne
Aucune preuve du cas,
C’est que notre premier homme,
Celui qui mangea la pomme,
Sans doute ne parla pas.

Voilà sur quoi je me fonde : pour parler, il faut avoir quelqu’un qui vous réponde : or, on sait qu’Adam vécut d’abord seul, et quand Ève parut, elle ne parlait pas plus que lui. La parole est une chose complexe, un savoir acquis et qui ne naît pas avec nous. Si elle était en nous, ou la conséquence de nos organes, tout le monde parlerait la même langue. La parole n’est donc pas dans notre nature ; elle n’en est pas l’œuvre, on nous l’inculque, et nous ne l’obtenons que par l’imitation. Si le sourd de naissance ne parle pas, ce n’est pas faute d’une bouche, d’une langue, d’un palais, puisqu’il les a, mais parce qu’il n’a jamais entendu parler.

Tout tend ainsi à démontrer que le premier homme ne parla pas, car, je le demande encore, à qui aurait-il