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Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/99

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me réclame deux francs soixante-dix centimes. Je m’attendais à payer plus, je trouve donc ceci très-bon marché. J’entre et je crois que, selon l’usage, on va, en échange de mon billet d’entrée, me donner un numéro, mais on me fait signe que c’est inutile, et me voici dans la salle qui, comme on sait, est vaste et belle. Je me dirige vers les stalles, mais quand je vais pour m’y asseoir, on me demande mon billet. Je réponds qu’on me l’a pris à la porte. Alors on m’explique que j’ai payé l’entrée de la salle, mais non celle des stalles et des loges. Ce fut environ trois francs qu’il me fallut payer encore. À Paris, c’eût été bon marché ; en Italie, c’est fort cher, mais tel est l’usage pour les étrangers : les habitants, au moyen d’abonnements, paient un prix minime.

Enfin me voilà placé. Je suis à côté d’un énorme abbé dont la rotondité remplit, outre sa stalle, un bon tiers de la mienne, car les stalles ici sont des chaises. Je suis donc, pour toute la soirée, assis sur une moitié de chaise, et parfaitement mal à mon aise. Mais ce n’est pas là le seul désagrément de ma position : mon abbé prend du tabac, et ceci tous les cinq minutes, se préparant à sa prise en se mouchant à grand bruit, accompagnement qui s’harmonie peu au chant, ce que les murmures des voisins auraient dû lui apprendre, mais notre impassible priseur n’a seulement pas l’air de s’en apercevoir, et son nez comme sa tabatière, qui avaient aussi leur voix, n’en continuent pas moins leur chant.

On jouait Rigoletta, très-beau spectacle, chœur, danse, etc. ; chanteurs passables, mais musique un peu monotone. L’orchestre est au complet, j’y compte huit