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Page:Boucherville - Une de perdue, deux de trouvées, Tome 2, 1874.djvu/102

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DEUX DE TROUVÉES.

— Ma bonne Marie, dit le capitaine en souriant, tu ne vaux pas $1200 non plus. Voyons ce que l’on t’a estimée. Ah ! on ne t’a estimée que $150, ma bonne vieille ; ainsi, pour toi, au lieu de $100 qu’il faut à Pompée pour racheter chacune de ses douze heures majeures, il ne te faudra à toi que douze piastres et demie. Tu vois que tu pourras racheter ton temps aussi vite que lui, avec tes deux escalins par dimanche ; car deux escalins te feront, au bout de l’année, douze piastres et demie.

— Il en sera ainsi à peu près pour tous vous autres ; car l’estimation de chacun est en raison du montant d’ouvrage qu’il peut faire par jour. Oui, mes enfants, au bout de cinq ans, à compter de ce jour, vous pouvez tous être libres, pouvu que vous travailliez bien, et surtout que vous vous comportiez bien.

— Mais, dans cinq ans je serai morte !

— J’espère bien que non ; dans tous les cas, tu pourras donner à qui tu voudras l’argent que tu aurais gagné.

La vieille Marie se mit à pleurer de joie ; et tous ces nègres qui, sans comprendre exactement encore la portée des explications et des calculs de leur maître, entrevoyaient une perspective plus ou moins prochaine de liberté, se jetèrent à genoux pour remercier leur maître. La scène qui s’ensuivit, l’expression à la fois grotesque et délirante de bonheur qui animait toutes ces figures d’êtres, tout à l’heure écrasés sous le joug d’une perpétuelle servitude, et maintenant relevés à la hauteur de l’homme par la perspective de la liberté, fit sur Sir Arthur et sa fille une impression qu’ils eurent de la peine à maîtriser.

Le capitaine était ému. Il appela l’économe auprès