Page:Boudin - La Fameuse Comédienne, 1688, édition Bonnassies, 1870.djvu/28

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exactitude absolue. Que faut-il en conclure touchant la paternité du livre ? L’attribuer à une comédienne ? Ces dames y sont, en général, durement traitées. Dans l’Avis du Libraire au Lecteur, fait, comme toujours, par l’auteur, on lit cette phrase : « Je suis persuadé qu’il n’y a point en France de Comédienne dont la vie ne puisse fournir autant de matière qu’il en faut pour faire de pareilles Histoires. » Ce n’est pas une actrice en renom qui a pu l’écrire ou la souffler.

Le libelle, en outre, contient à la fois, sur les affaires de théâtre, des mots qui en accusent une profonde expérience, et des naïvetés de provincial. — Attribuer ce livre à quelqu’un qui ne connaissait point la Cour ? Certainement, à ne voir que les énormes bévues signalées plus haut ; et cependant on y parle d’un fait qui a été confirmé par Saint-Simon et qui ne devait être connu que de l’entourage de Louis XIV, l’horreur de ce monarque pour le vice de César. — À un ennemi de Molière ? À coup sûr, l’homme y est affreusement calomnié, mais on y présente l’écrivain comme un des plus grands de son siècle. — La date même de ce pamphlet est une énigme. En 1688, les querelles littéraires, philosophiques et théâtrales soulevées par Molière étaient depuis longtems éteintes, et l’admiration unanime respectait le souvenir de ce grand homme à qui ses anciens ennemis rendaient un hommage éclatant. De même pour sa femme : elle avait pris, depuis dix ans, sa retraite comme coquette, en attendant qu’elle la prît comme grande coquette. Rien n’expliquait donc la froide violence de ce livre qui déroute à chaque pas la critique et pousse la singularité jusqu’à se montrer impartial. — Voir les éloges qu’il décerne à Mme Molière sur sa conduite à la mort de son mari, sur son jeu dans la Princesse d’Elide, dans Circé et dans son répertoire.

Si l’on avait le droit de hasarder une conjec-