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Page:Boudin - La Fameuse Comédienne, 1688, édition Bonnassies, 1870.djvu/53

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mesme : je suis né avec la derniere disposition à la tendresse, et, comme tous mes efforts n’ont pû vaincre les penchans que j’avois à l’amour, j’ay cherché à me rendre heureux, c’est-à-dire autant qu’on peut l’estre avec un cœur sensible. J’estois persuadé qu’il y avoit fort peu de femmes qui méritassent un attachement sincere ; que l’interest, l’ambition et la vanité sont le nœud de toutes leurs intrigues. J’ay vouleu que l’innocence de mon choix me respondist de mon bonheur : j’ay pris ma femme, pour ainsy dire, dès le berceau ; je l’ay elevée avec des soins qui ont fait naistre des bruits dont vous avez sans doute entendeu parler ; je me suis mis en teste que je pourrois luy inspirer par habitude des sentimens que le tems ne pourroit détruire, et je n’ay rien oublié pour y parvenir. Comme elle estoit encore fort jeune quand je l’espousay, je ne m’aperçeus pas de ses meschantes inclinations, et je me creus un peu moins malheureux que la pluspart de ceux qui prennent de pareils engagemens ; aussy, le mariage ne rallentit point mes empressemens, mais je luy trouvay, dans la suitte, tant d’indifference que je commençay à m’appercevoir que toutes mes précautions avoient esté inutiles, et que ce qu’elle sentoit pour moy estoit bien esloigné de ce que j’aurois souhaitté pour cstre heureux. Je me fis à moy-mesme des reproches sur une délicatesse qui me sembloit