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Page:Boudin - La Fameuse Comédienne, 1688, édition Bonnassies, 1870.djvu/56

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— Je vous avoüe, à mon tour, luy dit son amy, que vous estes plus à plaindre que je ne pensois ; mais il faut tout esperer du tems. Continuez cependant à vous faire des efforts : ils feront leur effet, lorsque vous y penserez le moins. Pour moy, je vais faire des vœux pour que vous soyez bientost content. »

Il se retira et laissa Moliere, qui resva encore fort longtems aux moyens d’amuser sa douleur ; mais, comme son cœur ne pouvoit estre sans occupation, il s’alla mettre en teste de s’attacher au jeune Baron, dans l’esperance de trouver plus de solidité dans l’esprit des hommes que dans celuy des femmes. Mais quand on est de bonne foy, on court tousjours le risque d’estre la duppe des intrigues, et cette derniere espreuve de son malheur luy fit bien connoistre qu’on ne trouve guère de fidélité, et que l’esprit de tromperie est commun dans les deux sexes.

Il tenoit Baron chez luy comme son enfant, n’espargnant rien pour le faire paroistre, et cultivant avec des soins extresmes les dispositions qu’il avoit à devenir bon Comedien ; il le gardoit à veüe, dans l’esperance d’en estre le seul possesseur. De quoy luy servoit tout cela ? Il estoit escrit dans le Ciel qu’il seroit cocu de toutes les manieres, et Baron prenoit tous les soins imaginables de justifier son etoile. Le Duc de Bellegarde fut un de ses plus re-