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Page:Boudin - La Fameuse Comédienne, 1688, édition Bonnassies, 1870.djvu/66

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qu’on aime. Je sçay que je ne puis l’esperer par mon merite, mais si vous devez recompenser le plus sincere de ceux qui vous adorent, ce que je sens pour vous me respond de ma félicité. — Vous ne sçavez pas ce vous demandez, reprit la Moliere, et pour peu que vostre passion vous plaise, vous devriez craindre de la voir finir, comme elle feroit infailliblement, si vous n’aviez plus rien à souhaitter. Comme l’amour ne se soutient que par le désir, qui cause toute nostre ardeur, il meurt aussytost qu’il est satisfait. Du moins, Jusqu’à présent, je n’ay point veu d’amants fidelles quand ils sont heureux. Eh ! comment, poursuivit-elle, peut-on avoir des impatiences et des transports pour une chose dont on est le maistre, et que peut-on souhaitter, quand on est satisfait ?— De l’estre tousjours, ma belle, s’écria Du Boulay ! Si, jusqu’à présent, vous n’avez point trouvé d’amants constants, vous avez en moy de quoy faire un miracle. Estant fortement persuadé qu’on ne peut vous posséder sans se croire le plus heureux de tous les hommes, il est trop naturel de vouloir l’estre tousjours. Eh ! quoy ! pour une délicatesse, que je n’ose nommer bizarre, voudriez-vous m’oster l’espoir de passer le reste de ma vie à vous adorer ? »

Il se jeta, en mesme tems, à ses genoux, et l’anima si fort par ses caresses, qu’elle estoit preste d’obéir à son tempérament, qui ne la