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Page:Boudin - La Fameuse Comédienne, 1688, édition Bonnassies, 1870.djvu/81

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contrefaire la Moliere. Le lendemain, le Président revint fort empressé pour sçavoir le succès de sa négociation. La Ledoux luy dit que cela n’alloit pas si viste ; qu’on luy avoit seulement promis d’en parler à la Moliere, et qu’il falloit se donner un peu de patience. Le Président la conjura de nouveau d’y donner tous ses soins. Il venoit tous les jours sçavoir s’il y avoit lieu d’esperer.

Enfin, quand la Ledoux eut pris le tems qu’il falloit pour faire valoir ses peines, elle dit au Président, avec beaucoup de joye, qu’elle avoit surmonté les obstacles qui s’estoient opposez à sa passion et qu’elle avoit parolle de la Moliere pour venir chez elle le lendemain. L’amoureux Président luy promit de se souvenir toute sa vie du service quelle luy rendoit ; il prit l’heure du rendez-vous, où il se trouva longtems avant la Demoiselle, qui vint avec un habit fort négligé, comme une personne qui apprehendoit d’estre conneue. Elle affecta la toux eternelle de la Moliere, ses airs importants, ne parlant que de vapeurs, et joüa si bien son rolle, qu’un homme plus connoisseur y eust esté trompé. Elle luy fit fort valoir l’obligation qu’il luy avoit d’estre veneue dans ces sortes de lieux dont le nom seul luy faisoit horreur. Le Président luy dit qu’elle n’avoit qu’à prescrire la reconnoissance, et que tout ce qu’il avoit au monde estoit en son pouvoir.