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Page:Boudin - La Fameuse Comédienne, 1688, édition Bonnassies, 1870.djvu/85

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voix encore plus elevée : « Je ne crois pas avoir rien d’assez mystérieux avec vous, Monsieur, pour devoir prendre ces sortes de précautions, et vous pourriez avec moy vous expliquer devant toute la terre. » L’aigreur avec laquelle elle acheva ces mots fit entièrement perdre patience au Président, qui luy dit : « J’approuverois vostre procédé si j’avois fait quelque action qui deust vous deplaire depuis que je vous connois, mais je n’ay rien à me reprocher, et, quand vous manquez au rendez-vous que vous m’avez donné, et que je viens tout inquiet vous trouver, craignant qu’il ne vous soit arrivé quelque accident, vous me traittez comme le plus criminel de tous les hommes. »

Il seroit impossible de bien représenter l’estonnement de la Moliere. Plus elle consideroit le Président, moins elle se souvenoit de luy avoir jamais parlé ; et, comme il avoit la mine d’un honneste homme, l’emotion avec laquelle il continuoit de luy faire des reproches luy marquant que ce n’estoit ny jeu d’esprit ny gageure, augmentoit si fort sa surprise qu’elle ne sçavoit que croire de ce qu’elle voyoit. Le Président, de son costé, ne pouvoit comprendre d’où venoit le silence de la Moliere. « Enfin, luy dit-il, donnez-moy une bonne ou une mauvaise raison qui justifie un procédé pareil au vostre ?» Il cessa de parler pour entendre la response de la Moliere, mais elle n’estoit