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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/110

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hydre dont je ne viendrai jamais à bout pas même par le feu.


Ce 28. — J’ai bien déclaré à mon chirurgien que d’ici à demain, si cela n’allait pas mieux, j’arracherais tout et je confierais mon pauvre malade aux soins de la nature, qui a soin de tout le monde avec l’air de ne songer à personne. Je me ressouviens qu’elle a guéri une petite mourante, qui m’était bien autrement chère que mon doigt et tout le reste de ma sotte personne.


Ce 29. — J’ai pris mon parti : j’ai tout arraché, doigtier, bandelette, emplâtre ; j’ai poussé la rage jusqu’à gratter avec des souffrances inouïes tout ce qui restait de baume et d’onguent et j’ai mis mon mal au grand air pour exciter la compassion du ciel, qui le verra et qui peut-être le guérira.


Ce 30. — Je suis bien sûr de ne pas souffrir davantage depuis hier et je crois même souffrir moins, car il me semble que les douleurs de continues sont devenues intermittentes. Je ne peux pas, comme je l’ai dit souvent, me persuader que l’air soit un poison. Si l’on en croit les philosophes rien ne se perd dans le monde ; ainsi ton souffle se mêle à l’atmosphère, il en vient quelque chose en Afrique et mon doigt s’en ressent : c’est un baume que les vents du nord-est sont chargés de m’apporter et qui me fait plus de bien que tous les emplâtres de M. Legros, notre chirurgien major.


Ce 1er juillet. — Nous marchons rapidement vers le mal et lentement vers le bien ; aussi mon doigt ne