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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/118

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sécheresse, de la grêle, des insectes, des oiseaux, etc. Mais je parie que je t’ennuie à la mort ; pourvu que ce ne soit jamais que de loin, je m’en console.


Ce 17. — M. Bonhomme vient de m’envoyer une bête fort rare et en même temps fort douce, que je destine à l’évêque de Laon. Elle est faite comme une petite vache blanche, portée sur des pieds de biche, ses cornes sont de deux ou trois pieds de long, noires comme de l’ébène, toutes unies et se recourbant un peu sur son dos quand elle lève la tête. Ces ornements-là vont toujours en croissant et les pauvres bêtes finissent par en être impatientées, car, à la longue, les cornes dépassent le corps et finissent par présenter leurs pointes à tout ce qui voudrait les approcher ; dès lors tout commerce leur est interdit avec ce qu’elles peuvent avoir de plus cher et, après la première couche, elles sont ordinairement condamnées au célibat. Par bonheur que dans le monde ces petits ornements-là sont moins incommodes que parmi les originaux. Adieu, mon petit génie, je te baise plus tendrement qu’on n’a jamais baisé personne en Afrique.


Ce 18. — Ne t’attends point, comme on dit dans ce pays-ci, à de longs palabres, car je suis excédé de souffrances, d’affaires et d’ennuis. Il n’y a personne ici qui ne se croie en droit de disposer de moi et qui n’en abuse. Aussi, dès que huit heures sonnent, je ne songe plus qu’à me coucher, afin d’oublier les fatigues du jour ; je tâche de me transporter en rêve dans les lieux que j’habite en esprit et je ferme les yeux pour essayer de te voir.