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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/136

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prendrais autant de soin pour arranger une fête africaine, que pour celles de Spa et de Chaufontaine.

Adieu, ma bonne femme ; je n’ose point encore compter les jours qui me restent à passer loin de toi, mais je commencerai le mois prochain et c’est déjà quelque chose que de penser qu’ils ne sont plus innombrables.


Ce 20. — Nous avons de gros orages, des coups de tonnerre affreux et des pluies comme on n’en connaît point à Paris ; mais les malades n’augmentent point. Il n’y a que quatre malades sur cent soldats et l’hôpital n’est plein que de matelots de la marine royale et marchande, qui ont été gagner le scorbut, pendant que leurs armateurs allaient gagner de l’argent. Mais il ne meurt presque personne et c’est toujours d’accidents récents ou de maux invétérés ou enfin de causes parfaitement étrangères au climat. Ainsi, ma femme, ne sois pas inquiète pour le chétif dépôt que tu m’as confié ; je te promets de te le rendre dans son entier pour peu que cela te fasse plaisir.


Ce 21. — Je vais, je viens, je m’agite, je travaille, je fais travailler mon monde, je donne de l’argent aux uns, des coups de bâton aux autres, et nous passons ainsi notre vie tous tant que nous sommes du mieux que nous pouvons. Mais les femmes nous manquent, et à moi surtout, car la mienne vaut un peu mieux que toutes les autres, et faute de femmes, on mange, on boit, on joue, on se bat, on se déchire. C’est là ce qui arrive ici et c’est au célibat que je m’en prends, car on ne peut pas compter pour des femmes ces figures noires, auxquelles on porte ici ce