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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/138

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moi à faire le pythagoricien, à moi qui suis habillé en tueur d’hommes et qui fais profession ou du moins vœu d’immoler au premier ordre tout ce qui sera moins fort que moi. Voilà bien qui prouve que les hommes, à commencer ou à finir par ton mari, sont de vilaines bêtes et qu’il n’y a d’aimable dans le monde que les femmes ; leurs vertus, leurs manières, leurs paroles et jusqu’à leurs haines sont douces, elles sont bien véritablement les roses et nous sommes les épines. Ce que je dis là de toutes ne s’adresse qu’à toi, car je ne reconnais plus depuis longtemps d’autre représentant de ton joli petit sexe. Adieu, tu me ferais dire des folies.


Ce 25. — Je me dérobe à mes cent quatre-vingts convives pour t’embrasser un instant malgré mon extrême fatigue, car jamais la chaleur n’a été aussi forte et tu imagines bien que la foule ne la diminue point. Adieu, je t’aime encore plus chaudement que nous ne sommes ici et je retourne à ma suante assemblée.


Ce 26. — Je suis moins écrasé que je ne m’y serais attendu après un jour passé à table et une nuit au bal. Les plaisirs ont été très vifs, à ce qu’il m’a paru, mais sans beaucoup de licence et les prisons, que j’avais fait achever à quelque prix que ce fût pour être en état de servir le soir de la fête, ont été inutiles. L’hôpital a plus servi et l’on y a porté deux ou trois soldats malades d’indigestion, mais si au lieu de les traiter moi-même hier, je leur avais laissé prendre ce soin-là, il y aurait eu le double de malades. Ce qu’il y a de pis, c’est que je n’en suis point quitte et qu’il me reste encore la moitié de la colonie