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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/157

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tout cela n’a eu lieu : mes fleurs, mes légumes, mes arbres, mes jardiniers sont morts, mon jardin est dans ce moment le plus triste des déserts de l’Afrique, encore voit-on là une nature inculte, mais riche, et pour ainsi dire fière de sa virginité, au lieu qu’ici il y a un reste de culture abandonnée, de mauvaises herbes entremêlées de quelques plantes d’Europe mal venues, une image des efforts impuissants de l’ignorance ou de la faiblesse des ouvriers. Tous mes melons et tous mes autres légumes sont livrés aux vers, aux chenilles et aux araignées, à tout ce que la terre, l’eau et le feu combinés peuvent engendrer de plus immonde. J’ai cependant trouvé un moyen de rendre au moins l’aspect plus riant pour l’avenir en plantant dans toutes mes bordures du coton et de l’indigo, qui réussissent admirablement et qui préparent la prospérité à venir de la colonie, car d’après mes essais il n’y aura plus rien dans ce genre-là qui ne soit démontré et je puis promettre dans la suite à la France des millions de la part de l’Afrique, soit qu’on les lui demande par le commerce ou par la cultivation. Voilà comme il faut se consoler du présent par l’avenir et de sa peine par le bonheur d’autrui. Adieu, ma femme, je sens que je dois bien t’ennuyer, mais si cela me désennuie en seras-tu si fâchée ? D’ailleurs n’as-tu point ta ressource ordinaire de ne pas me lire.


Ce 26. — Mes chers compatriotes vont me quitter et je les regretterai bien sincèrement ; ils se conduisent à merveille, ils ont eu des manières très polies et des procédés encore plus honnêtes et je vois avec peine qu’ils vont augmenter la liste des dupes de Cayenne. Si tu voyais comme M. et Mme d’Esvieux