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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/188

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avons fait dans l’espace de midi d’hier à midi d’aujourd’hui vingt-cinq lieues presque en bonne route. Si nous allions toujours le même train, je pourrais arriver en France pour tes étrennes, mais il ne faut compter sur rien ou plutôt il faut s’attendre à tout, car dans cinq ou six jours nous trouverons la région des tempêtes, qui, si elles nous sont contraires, peuvent m’arrêter jusqu’à la résurrection générale, et si, comme je l’espère, elles nous sont favorables, elles peuvent abréger le voyage de moitié. Je ne sais quelle honte me retient et m’empêche de leur offrir un sacrifice ; il est vrai que je ne saurais trop que leur immoler, car je n’ai point de bœufs, je n’ai plus de moutons, j’en avais embarqué deux pour ma subsistance, ils sont morts ; mes poules, mes canards et mes dindons fondent à vue d’œil. Je ne suis riche qu’en oranges, j’en ai environ deux mille à mon bord que j’ai fait ou laissé acheter aux îles du Cap Vert. Elles valent celles de Malte, mais il ne paraît pas qu’elles se gardent aussi bien. J’ai aussi des figues, bananes et des gouliaves, mais rien de tout cela ne verra la France. Ma vraie richesse consiste en quatre gros cochons, que nous tuerons successivement quand la température commencera à se refroidir et permettra de garder les viandes, en sorte qu’à cette heure nous mangeons du lard en attendant du cochon. Mais qu’importe de vivre de lard, de biscuit et de mauvaise eau, pourvu qu’on marche et surtout qu’on arrive ; ce n’est pas la nourriture qui soutient, c’est l’espérance. Adieu.


Ce 1er décembre. — Nous continuons notre petit chemin avec un vent plus favorable que je ne l’espérais, mais plus faible que je ne voudrais. Notre mar-