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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/190

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quera moins que le premier sans aller bien loin, non pas d’ici, mais de la rue Saint-Honoré.


Ce 4. — Le calme a été désespérant toute la nuit et toute la matinée ; il me semblait que les vents étaient morts, qu’ils ne reviendraient plus au monde et qu’on m’avait donné l’océan comme prison. C’est assurément la moins étroite, mais en même temps la plus cruelle de toutes. Enfin l’enceinte de nuages qui nous bloquaient paraît se rompre du bon côté et nous recommençons à orienter nos voiles. Nous ne faisons pas encore plus d’une demi-lieue par heure, mais n’importe, c’est toujours un rapprochement : chaque pas est d’un prix que je ne saurais ni payer ni exprimer, ne fût-ce que parce qu’il me rend la confiance sans laquelle je ne vivrais pas jusqu’à mon arrivée. Mon pauvre maître d’hôtel était absolument guéri depuis trois ou quatre jours ; il a fait la folie de manger beaucoup de salaisons et la dysenterie est revenue d’une force horrible. Il s’y joint de la fièvre, en sorte que je ne sais plus que lui faire prendre ; il serait affreux pour moi de le perdre après tous les bons services qu’il m’a rendus. Presque aucun des blancs qui m’ont suivi ne reviendra en bonne santé : d’abord ce pauvre homme dont je suis fort inquiet ; mon cuisinier, mort ; mon jardinier, mort ; mon palefrenier, scorbutique ; mon menuisier, fiévreux. Voilà à peu près toute ma maison ; tu vois qu’elle a besoin de réparations ; mais la vue du pays que tu habites, l’impression de l’air que tu respires, me feront tant de bien que je crois que tout ce qui m’appartient s’en ressentira.


Ce 5. — Le calme n’est plus aussi plat, pour me