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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/193

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tour ; il ne restait plus de feu et l’on n’avait pas d’amadou. Pendant ces allées et venues, la confusion allait toujours croissant, l’homme qui tenait le gouvernail n’ayant ni boussole ni étoile a perdu la tête, les gens qui travaillaient à serrer les voiles n’en venaient point à bout et perdaient aussi la tête, les maîtres et contre-maîtres criaient sans être obéis, les matelots se cachaient ou se désespéraient, le vaisseau qui n’était plus gouverné cédait au vent, les voiles agissaient en sens contraire. J’avais dit dès le commencement de ces troubles-là d’éveiller le capitaine, mais on ne se pressait pas parce qu’on craignait de mortifier le second qui alors commandait. Enfin le capitaine a monté sur le pont, il a remis les esprits par son ton modéré et son air calme ; ses ordres ont été exécutés avec précision et il n’a plus été question de danger. Mais l’orage a continué plus de deux heures et il en revient d’heure en heure qui nous obligent à tout serrer pour les laisser passer sans nous faire de mal. Cet événement-ci au lieu de m’effrayer (ce qui n’a pas eu lieu un seul moment) me rassure, parce qu’il m’a fait connaître la force du bâtiment et l’habileté du conducteur. Tu vois, mon enfant, que, si je te revois, ce ne sera pas sans peine, mais que ces peines-là seront bien payées si tu es la même.


Ce 9. — Toujours gros temps, gros nuages, gros grains, gros vents, grosse mer, mais la petite Cousine se défend comme un petit lion et l’on m’assure qu’un vaisseau à trois ponts ne se serait pas mieux soutenu. Ce que je craignais est arrivé, nous avons toutes les peines du monde à vaincre les lames ; elles sont deux fois plus hautes que nous et nous ne