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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/195

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quand il marchait le plus vite. Enfin il faut souffrir tout cela, c’est un droit qu’il faut payer au mauvais principe pour obtenir la permission de te voir.


Ce 12. — Nous allons un peu mieux qu’hier, mais les vents sont faibles et notre marche est si lente que je perds courage. Ce pauvre homme va toujours plus mal ; je n’ai point encore osé essayer l’opium, mais je crois qu’aujourd’hui j’en viendrai là, sinon je tâcherai de relâcher dans quelque port de Portugal ou d’Espagne pour le laisser reposer deux ou trois jours et lui donner du lait, du poisson et de grosses fèves de marais. Nous avons un homme de l’équipage dans le même état et cette maladie-là, pour comble de mal, est très communicative. Je ne crains pas pour moi, qui ai passé deux mois à la ville d’Eu à visiter trois fois par jour une salle où j’avais quatre-vingts soldats attaqués du même mal ; mais je crains pour ce qui m’entoure et surtout pour mon pauvre capitaine, sans lequel je ne sais pas comment je pourrais jamais te revoir.


Ce 13. —

Que la nuit paraît longue à la douleur qui veille !

C’est un très beau vers de M. de La Harpe qui me revient sans cesse en pensée et qui me fait souvent dire :

Que la mer paraît grande au désir qui navigue !

Cependant, hors une petite tempête assez bien conditionnée, nous n’avons point à nous plaindre, car nous ne sommes point encore sortis de la route que nous voulions tenir et c’est la vitesse seule qui nous