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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/200

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fois depuis longtemps et où je rêverai de toi. Mais comment ?


La Rochelle, ce 24. — César disait : « Afrique, je te tiens ! » Et moi je tiens la France, mais je ne tiens rien jusqu’à ce que je te tienne. Je suis ici chez mon ancien camarade de séminaire qui m’a reçu avec une amitié infinie. Je suis arrivé sur un bateau de l’île de Ré qui a fait quatre lieues en trois quarts d’heure. J’ai trouvé la Cousine au port, je vais presser le déchargement, acheter une voiture et courir à toi. Adieu, ma femme, adieu, ma Pénélope, renvoie tous tes amants sans quoi j’en ferai une capilotade épouvantable. Adieu, ou pour mieux dire bonjour, car le jour est près de se lever pour moi.


La Rochelle, ce 25 décembre 1787. — Je t’apporte le journal parce qu’il ne vaudrait pas le port.

Je suis en France, ma bonne femme, après une terrible navigation, mais tous les maux sont derrière moi et tous les biens m’attendent chez toi. Je voudrais être invisible dans ta chambre au moment où tu ouvriras ma lettre, pour voir si elle te fera l’effet que me ferait une des tiennes en pareille occasion. Depuis quelque temps il s’élève des troubles au dedans de moi ; c’est à toi de les dissiper en me recevant de manière à me faire rougir de mes craintes. Mais non je n’en veux pas avoir. Pourquoi en aurai-je ? À cause de mes cinquante ans ? N’en avais-je pas quarante-neuf l’année dernière et ne m’aimais-tu point ? Je le demande à ton beau lit bleu, que je n’ai point perdu de vue depuis que j’en suis sorti bien malgré moi.




Paris. — Typ. A. DAVY, 52, rue Madame. — Téléphone.