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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/22

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du bouillon et du pain. Nous dînons à deux heures et demie, et je ne soupe point ; je bois peu de vin parce qu’il me déplaît à la mer. Mon seul tort est peut-être de manger trop de choux et de boire trop de café ; il faudra bien faire ces deux sacrifices-là au dieu sommeil. J’en ai fait de plus chers à une divinité encore plus fantastique, c’est l’opinion ; mais je manque à ma résolution en en parlant ; c’est bien assez de le penser, sans encore te le faire penser toi-même.

Je suis tous les jours plus content de mes conducteurs ; le hasard, qui n’a pas ordinairement des attentions bien raffinées pour moi, ne pouvait me mettre en meilleure compagnie. Je t’adresserai M. de Villemagne et M. de Carrouge à leur retour, et j’espère qu’ils te plairont. Mes deux abbés sont d’excellentes gens depuis qu’ils ont cessé de vomir. On les trouve très aimables, ainsi que le fils de cette madame Marcel, l’objet de tant d’inquiétudes. Tu vois que je ne serais pas à plaindre si… mais quel si, ô ma fille ! ô ma femme ! Combien il me faut de courage, surtout en pensant aux derniers moments que nous avons passés ensemble ! Mais je vous verrai renaître encore, doux moments que j’ai perdus !


Ce 31 décembre. — Voici la fin d’une triste année, ma bonne enfant. Que de troubles ! que d’ennuis ! que de peines ! que de privations ! et pourquoi ? Enfin elle est passée.

Celle qui la suivra sera encore pire, puisque, selon toute apparence, je te verrai moins : mais elle passera aussi pour en amener une meilleure.

C’est dans celle-là qu’il faut vivre d’avance. Regardons l’une comme une mauvaise nuit et l’autre