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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/29

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quatre heures ; à présent, il devient un peu contraire : toutes ces petites irrégularités-là sont assez fréquentes à portée des Canaries. Nous en avons (vu) aujourd’hui trois îles, Palme, Gomere et l’île de Fer ; mais c’était de si loin, que je n’en ai guère plus d’idée que de cette île flottante qu’on appelle la Lune, dans laquelle Herschell et mademoiselle sa sœur ont depuis peu découvert un volcan, et par le moyen d’un télescope de quarante pieds de long, le même Herschell va bientôt, dit-on, distinguer jusqu’à ses productions végétales et même animales. Le temps viendra où nous ferons aussi nos petites observations en commun comme M. et Mlle Herschell : au lieu de voir ce qui se passe dans la lune, je verrai ce qui se passe dans ta tête ; j’y trouverai peut-être aussi un petit volcan ; j’y verrai des parties bien cultivées, des contrées riantes, rien d’aride ni de sauvage, des productions merveilleuses en fleurs et en fruits, enfin un paradis terrestre d’où mon esprit ne voudra jamais sortir. Adieu, chère femme ; je t’aime plus qu’on n’a jamais aimé sur terre ni sur mer.

Il est minuit, je vais me coucher après avoir bu un verre d’orgeat pour essayer de dormir ; peut-être qu’alors mon esprit franchira les mers et parviendra sans faire de bruit à ton lit bleu. Adieu.


Ce 8 janvier. — Nous allons toujours assez bien ma très chère femme, et, selon toute apparence, j’arriverai au Sénégal à pareil jour que l’année dernière. C’est une chose singulière que toutes les ressemblances qui se présentent dans la vie la plus variée et toutes les variétés qu’on rencontre dans la plus uniforme ! Tu ne peux pas dîner deux jours de