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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/53

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pays que ce soit, il y en ait qui l’aient surpassé. C’est au point que quand je me compare à lui, j’ai toutes les peines du monde à me trouver un honnête homme ; je ne suis pourtant point un coquin, quoique tu en dises.


Ce 17. — Je devais partir aujourd’hui, je devais partir demain, mais comment s’arracher d’un lieu de délices comme le Sénégal ; il faut attendre que la barre cesse d’être une barrière et je crois que j’attendrais longtemps si je n’avais pas une autre corde à mon arc. Nous avions autrefois un bon pilote côtier avec lequel il n’y avait rien à risquer malgré les plus effrayantes apparences. M. de Repentigny[1] a eu la charitable précaution de le faire partir pour l’Amérique lorsqu’il a su que j’allais venir en Afrique. J’en avais amené un autre avec moi qui commençait à se former, mais il s’est noyé cet été, comme de raison et comme de coutume ; en sorte que nous sommes réduits à un pauvre diable qui meurt de peur et qu’on ne peut point forcer à se compromettre, parce qu’il aurait trop de compagnons d’infortune. Tout cela sera cause que j’irai par terre, à moins que la mer ne soit douce comme toi, quand, après avoir beaucoup tempêté, tu t’apaises. Alors je m’embarque avec plaisir. Mais que ces moments-là sont loin dans le passé, qu’ils sont loin dans l’avenir. Enfin, ils renaîtront. Je vous verrai renaître encore.


Ce 18. — Voici le moment des adieux, des audiences, des paquets, des embarras, des gaucheries, des oublis. Il faut pourvoir et parer à tout, et, pour

  1. Prédécesseur de Boufflers, comme gouverneur du Sénégal.