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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/59

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Voilà le quatrième voyage par terre qu’il a fait depuis notre arrivée ; il s’exerce d’avance à la mission qui lui est destinée et j’espère dans quelques mois le voir reparaître de même après avoir montré à bien des peuples les premiers hommes blancs qu’ils auront jamais vus. Pour moi, je ne veux plus seulement me promener en imagination en Afrique ; je tourne toutes mes pensées vers la France et je leur porte envie de ce qu’elles franchissent aussi facilement les mers pour te voir, t’entendre, te parler, vivre avec toi et te suivre partout. Mes pauvres yeux et tout le reste de ma personne, qui sans avoir autant d’esprit t’aiment tout autant, sentent bien mieux toute la rigueur de l’exil ; mais après le mal vient sa fin. Voilà ce qui m’empêche de me jeter à la mer.


Ce 4. — Je m’embarque demain pour ma grande tournée au bas de la côte, chère et jolie femme, et je m’embarque comme à mon ordinaire, c’est-à-dire sans toi, ce qui est bien pire que sans biscuit. Je frémis de tout ce que j’ai à faire et de tout ce que je laisse à faire aux autres. C’est même là ce qui m’inquiète le plus, car au moins je suis sûr de mon zèle. Mais adieu, car je t’écris au milieu d’une foule de monde et d’affaires. La première de toutes est de t’embrasser.


Ce 5, à bord de « la Cérès ». — Nous sommes sous voile, ma chère femme, dans la plus incommode de toutes les corvettes du roi ; mais cela est plus que réparé par les soins et les attentions de mes compagnons de voyage. Tout mal que je suis, je voudrais te tenir ici et, tout mal que tu serais, j’espère que tu ne demanderais point à me quitter.