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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/6

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d’être homme d’église. Il resta chevalier de Malte, et ce fut le moyen de garder la cinquantaine de mille livres de rentes que son parrain lui avait assignées sur des abbayes de Lorraine. Ainsi pourvu, il courut l’Europe, insouciant et frondeur, n’ayant jamais assez d’argent pour son jeu. Sous Louis XV, une pareille humeur eût pu lui servir, si le jeune homme n’avait gardé beaucoup trop de gratitude au duc de Choiseul disgracié. Les choses changèrent avec Louis XVI ; mais, peu sympathique au roi, Boufflers promena longtemps son désœuvrement et son ambition, de garnison en garnison, le long des côtes de France, en attendant une problématique descente en Angleterre et une occasion de se distinguer qui ne se produisit pas.

C’est alors, dans cet état d’esprit chagrin et découragé, qu’il rencontra celle qui devait fixer à jamais sa pensée volage. Elle se nommait la comtesse de Sabran, née Éléonore Dejean, veuve d’un vieux marin illustre qu’elle avait épousé quoique âgé de quarante-sept ans de plus qu’elle et qui mourut après une courte union, en laissant deux enfants à sa femme, une fille et un fils, Delphine et Elzéar de Sabran. Le caractère de Mme de Sabran nous est bien connu par les diverses publications de lettres qui ont déjà été faites[1]. Nous y saisissons, au physique comme au moral, les traits de « Sabran la mal peignée », petite tête fine et gracieuse, visage mobile éclairé par de grands yeux bleus et casqué d’une indocile toison de boucles blondes qui l’auréolent de

  1. Correspondance inédite de la comtesse de Sabran et du chevalier de Boufflers (1778-1788), recueillie et publiée par E. de Magnieu et Henri Prat. Paris, 1875, in-8o de XVI-528 pages et un portrait à l’eau-forte de Mme de Sabran.
    Lettres du chevalier de Boufflers à la comtesse de Sabran, publiées par M. Paul Prat (fils du précédent éditeur). Paris, 1891, in-8o, de XV-140 pages.
    Pierre de Croze (le comte de Croze-Lemercier). Le chevalier de Boufflers et la comtesse de Sabran (1788-1792). Paris, 1894, grand in-18 de 336 pages.