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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/76

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Ce 6. — Nous avons fait deux lieues dans la rivière, et les vents et les courants nous ont forcés de nous arrêter. L’impatience commence à me dominer et m’empêche de jouir des beautés du pays. Ce qui manque le plus dans la vie c’est le temps, et ce qui me manque le plus c’est la patience, surtout quand je suis loin de toi.


Ce 7. — Nous avons autant de peine à sortir de la rivière de Serre Lionne que de celle de Gambie. Mille événements imprévus, mille accrocs viennent se joindre à la contrariété des vents et des courants, sans compter des orages particuliers à ce pays-ci et connus sous le nom de tornados, qui tous les soirs à peu près à la même heure nous livrent de furieux assauts et nous mettent en danger. Mais comme je suis sûr de te revoir, la peur n’a point de prise sur moi. Tout mon courage est fondé, comme celui des Turcs, sur le fatalisme et sur les belles promesses de notre ami Detella. Adieu.


Ce 8. — Nous étions prêts à sortir de ce maudit gouffre quand le vent nous a manqué et qu’il nous a fallu mouiller. Nous étions près d’appareiller de nouveau, quand nous avons entendu un bâtiment marchand français à une lieue derrière nous tirer coup de canon sur coup de canon et en même temps une chaloupe a paru forçant de voiles et de rames pour nous joindre. Nous avons arrêté ; c’était une révolte à bord du marchand, le capitaine tirait pour nous demander secours et partie de l’équipage venait nous demander du refuge. Nous avons renvoyé les mécontents au capitaine, qui dans le fait est un mauvais fou, mais il est quelquefois nécessaire de faire