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Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/94

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s’il s’agissait de la translation de l’empire à Constantinople ; encore suis-je bien sûr que le grand Constantin avait plus de moyens que le petit Stanislas. On ne venait pas lui dire d’un côté qu’il avait un cheval boiteux, de l’autre qu’il avait un chameau fou, etc. Il y a longtemps que je le dis et je finirai peut-être par le prouver, les grandes choses sont plus aisées que les petites ; il me semble qu’avec la matière et les outils nécessaires j’aurais plus tôt fait un éléphant qu’une puce. Mais nous raisonnerons de cela quelque jour ensemble, dans quelque jolie maison à nous appartenante, dont j’arrangerai le jardin, le parc et la ferme, tandis que toi tu feras et tu seras la décoration intérieure. Mais que ce temps et cette maison sont encore loin de nous et que la vieillesse est près de moi !


Ce 13. — Je viens de faire une assez jolie promenade pour mettre mes chevaux en haleine et j’ai vu comme il arrive toujours que toute autre chose vaut mieux que ce que nous avons. Partout la terre porte quelques plantes, quelques arbres, quelques fruits, ces productions sauvages pourraient s’apprivoiser par la culture, par la greffe ; on pourrait du moins leur substituer des plantes plus amies de l’homme, auxquelles la terre prêterait ses sucs comme aux autres. Mais dans mon abominable petit diminutif d’Ithaque, la terre n’a si suc ni vertu ; il n’y a que des coquilles brisées et des rochers pelés. Cependant pour essayer de tirer parti de tout, je viens de faire piler le rocher et j’en ai tiré de la pozzolane, dont j’ai enduit une vieille citerne où l’eau n’avait jamais tenu et qui depuis ce temps-là n’en a point perdu une goutte. Je m’exerce d’avance à tous les travaux