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ciation continuera son œuvre. — Sur les lignes dominantes et le mouvement fatal de notre organisation économique, la théorie socialiste ne s’est donc pas méprise.

Nous n’avons nullement la prétention de trancher cette discussion toujours pendante. Si nous avons brièvement rappelé les arguments échangés, c’était pour rendre manifeste le grand nombre de constatations historiques qu’ils supposent. En vain tournerait-on ici les yeux vers les organismes. Des enquêtes multipliées, sur l’évolution actuelle des formes techniques et des conditions économiques, permettront seules de décider s’il est vrai qu’une différenciation sociale nouvelle risque d’enrayer les tendances émancipatrices de notre civilisation.

Mais ce n’est pas tout. On sent bien que, pour départager adversaires et défenseurs de l’organisation économique actuelle, il y aurait autre chose à soupeser que des renseignements objectifs. Sous toutes les critiques, dressées contre cette organisation, il n’est pas malaisé de deviner l’action motrice et directrice d’un idéal plus ou moins nettement défini : une certaine notion de ce qui fait le prix de la vie humaine et l’élève au-dessus de la vie animale manifeste ici sa présence. « Les institutions doivent accomplir les destinées de l’espèce humaine ; elles atteignent d’autant mieux leur but qu’elles élèvent le plus grand nombre possible de citoyens à la plus haute dignité morale.  » C’était Sismondi qui s’exprimait ainsi. Ses héritiers, les fondateurs du « socialisme scientifique » parleront moins volontiers du but des institutions. Ils ont la prétention de substituer aux stériles proclamations de droits l’impassible enregistrement des faits. Mais il n’est personne qui ne sente dans leur œuvre, à travers leurs constatations, la vibration et comme le frémissement de l’idéal froissé. En particulier lorsque Marx dépeint les conséquences de la division du travail, il est trop clair qu’il a sous les yeux, pour l’opposer au travailleur parcellaire que la réalité lui