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Page:Bouglé - La Démocratie devant la science, 1904.djvu/25

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trine évolutionniste. Ce ne sont plus des traditions antiques, mais les découvertes toutes fraîches de la biologie qu’ils opposent aux ambitions populaires. C’est au nom de la science, en effet, et non plus au nom de la foi qu’ils démontrent l’inanité, le caractère « inorganique » des principes de 89. Dans une lettre au plus brillant protagoniste de ce néo-traditionalisme, un des fils intellectuels de Taine, M. P. Bourget, se pose à plusieurs reprises cette question : « Que dit la science ? » Or la science répond que la solution monarchiste est la seule qui soit conforme à ses enseignements les plus récents, — qu’en dehors d’un régime aristocratique il n’y a point de salut pour une nation, — qu’une république dans la hiérarchie des gouvernements est au même degré que l’embranchement des protozoaires dans la série animale, — qu’enfin « l’Idéal démocratique n’est dans son ensemble et dans son détail qu’un résumé d’erreurs » (les classiques « erreurs françaises ») plus grossières les unes que les autres.

Et M. Ch. Maurras[1] de nous avertir que ce n’est pas tel ou tel de ses correspondants qui parle ainsi : « C’est l’irrésistible nécessité scientifique qui s’exprime par leur organe. Le fol illuminisme des gens de la Terreur disait : La fraternité ou la mort ! La science politique pose un dilemme un peu différent, mais certain. Elle dit aux peuples : L’inégalité ou la décadence ! L’inégalité ou l’anarchie ! L’inégalité ou la mort ! »

Ainsi, vous qui « croyez » à la science en même temps qu’à la démocratie, vous qui comptez qu’elles vont s’entendre et collaborer docilement pour porter toujours plus haut la civilisation occidentale, vous vous endormez sur une contradiction. En réalité ces deux puissances hurlent d’être accouplées. L’une crie contre l’autre. La biologie ne cesse de dé-

  1. Dans son Enquête sur la monarchie, p. 38, 39.