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Page:Bouilhet - Œuvres, 1880.djvu/48

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FESTONS ET ASTRAGALES.


Et puis, à parler net, où donc est la vergogne
De suspendre sa lyre auprès d’un cotillon ?
L’art saint me paraît propre à toute autre besogne
Qu’à broyer la céruse avec le vermillon.

Je n’aime point l’auteur à la flamme éternelle
Qui s’offre en holocauste et périt chaque jour,
Parasite imprudent dont l’estomac rebelle
N’est pas solide assez pour digérer l’amour.

Je déteste surtout le barde à l’œil humide
Qui regarde une étoile en murmurant un nom,
Et pour qui la nature immense serait vide,
S’il ne portait en croupe ou Lisette ou Ninon.

Ces gens-là sont charmants, qui se donnent la peine,
Afin qu’on s’intéresse à ce pauvre univers,
D’attacher des jupons aux arbres de la plaine
Et la cornette blanche au front des coteaux verts.

Certe, ils n’ont pas compris tes musiques divines,
Éternelle nature, aux frémissantes voix,
Ceux qui ne vont pas seuls, par les creuses ravines,
Et rêvent d’une femme au bruit que font les bois.

Ceux qui tout ruisselants des larmes de l’aurore,
Ceux qui tout parfumés par la brise du soir,
Ont gardé dans leur cœur assez de place encore
Pour quelque souvenir d’alcôve ou de boudoir.