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Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/339

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était capable. Un ami le trouvant occupé de ce travail, il lui dit :

— Je suis presque honteux de m’occuper encore de rimes, et de toutes ces niaiseries du Parnasse, quand je ne devrais songer qu’au compte que je vais aller rendre à Dieu.

Pourtant on a toujours vu en lui le chrétien autant que le poète. Un jour il fut invité à dîner chez le duc d’Orléans, depuis régent. C’était un vendredi, sur la table cependant on ne servit que du gras. Boileau, refusant successivement tous les plats qu’on lui présentait, ne mangeait que du pain.

« Il faut bien, lui dit le prince, que vous en preniez votre parti et fassiez comme tout le monde ; le cuisinier a oublié que c’était maigre.

— Monseigneur, répondit le poète en s’inclinant, vous n’avez qu’à frapper du pied et les poissons sortiront de terre tout aussitôt.

Cette spirituelle allusion au mot de Pompée plut au prince qui ne pouvait s’empêcher d’admirer cette fermeté de caractère chez le poète ; il ne le laissa point dîner avec du pain seulement, et le maigre ne se fit pas attendre.

Monsieur Lenoir, chanoine de Notre-Dame, confesseur ordinaire de Boileau, l’assista pendant sa dernière maladie. Tout en se préparant à la mort en chrétien sérieux, il conservait quelque chose de l’humeur du poète. M. le Verrier, son ami, crut le distraire par la lecture d’une tragédie médiocre qui dans sa nouveauté faisait beaucoup de bruit. Après avoir entendu le premier acte, Boileau dit au lecteur :