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Page:Bourget - Le Disciple.djvu/146

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LE DISCIPLE

puisque au fond, tout au fond, j’avais honte de croire, comme d’une infériorité ; ni dans mes imaginations sentimentales, puisque je les considérais comme de simples jeux de littérature ; ni dans ma sensualité, puisque j’avais la nausée, au sortir de la chambre de Marianne ; et, d’autre part, je n’avais ni l’audace ni la théorie de ma curiosité à l’égard de mes fautes. C’était dans l’été de ma rhétorique. Émile, qui devait mourir l’hiver suivant de la poitrine, était déjà bien malade et ne sortait plus guère. Il écoutait mes confidences avec un intérêt effrayé qui flattait mon amour-propre en me donnant à mes propres yeux une allure d’exception. Cet amour-propre ne m’empêchait pas d’avoir moi-même peur, comme à la veille de ma première communion, du regard que l’abbé Martel me jetait maintenant quand il me rencontrait. Il avait sans doute parlé à ma mère dans la mesure où le lui permettait le secret du confessionnal, car elle surveillait mes sorties, mais sans pouvoir les empêcher tout à fait, et surtout sans y voir autre chose que des causes possibles de tentations, tant je continuais à m’envelopper d’hypocrisie. Cette maladie de mon meilleur ami, cette surveillance de ma mère, l’appréhension des yeux du prêtre, achevaient de m’énerver, d’autant plus que dans ce pays de volcans il semble que les chaleurs d’été fassent sortir du sol une vapeur plus ardente, plus