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Page:Bourget - Le Disciple.djvu/159

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LE DISCIPLE

ment l’éducation pour l’instruction. Vous rappelez-vous notre aumônier, l’abbé Habert, et comme il savait parler ?… Quelle santé ! Comme il vous marchait d’un bon pied et par tous les temps, sans douillette !… Mais vous, Limasset, quel âge ?… Soixante-dix ans, hein ? Soixante-dix, et pas une douleur ? Pas une ?… Vous me trouvez mieux, n’est-ce pas, depuis que je vis dans la montagne ?… Je ne suis jamais bien malade, mais toujours quelque petite chose… Tenez, j’aimerais mieux l’être, vraiment, malade. Au moins je me soignerais… »

Si je vous rapporte ces incohérents discours, tels qu’ils me reviennent à la mémoire, mon cher maître, c’est d’abord pour vous montrer ce que vaut l’intelligence de cet homme qui, je le sais par ma mère, s’est permis de mêler à mon procès votre nom vénéré. C’est aussi pour que vous compreniez bien dans quelles dispositions j’arrivai, quatre jours après cette conversation, à ce château où je me suis heurté contre de si terribles hasards. Le marquis m’avait agréé dès cette première visite, et il avait tenu à m’emmener dans son landau. Durant ce trajet de Clermont à Aydat, il eut le loisir de me raconter toute sa famille. Il m’expliqua successivement, avec ce bavardage invincible qui est le sien, et toujours coupé par quelques rappels de sa personne, que sa femme et sa fille n’aimaient pas beaucoup le monde et qu’elles