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Page:Bourget - Le Disciple.djvu/238

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LE DISCIPLE

s’animer avec la nature. Les fructifications veloutées des mousses s’y mêlèrent aux taches blanchissantes des lichens. Le cratère du puy de la Vache et celui du puy de Lassolas découvrirent, morceau par morceau, la chaude splendeur de leur sable rouge. Les fûts argentés des bouleaux et les fûts chatoyants des hêtres brillèrent au soleil d’un éclat vif. Dans les halliers commencèrent d’éclore les belles fleurs que je cueillais autrefois avec mon père et dont les corolles me regardaient comme des prunelle, dont l’arôme me suivait comme une haleine. Les pervenches, les primevères et les violettes apparurent les premières, puis je retrouvai successivement la cardamine des prés avec sa nuance lilas, le bois-gentil qui porte ses fleurs roses avant de porter ses feuilles, la blanche anémone, le muscari à l’odeur de prune, la scille à deux feuilles et sa senteur de jacinthe, le sceau de Salomon avec ses clochettes blanches et le mystère de sa racine qui marche sous la terre, le muguet dans les creux des petites vallées, et l’églantine le long des haies. La brise qui venait des dômes encore blancs passait sur ces fleurs. Elle roulait en elle des parfums, du soleil et de la neige, quelque chose de si caressant à la fois et de si frais, que respirer, à de certains moments, c’était s’enivrer d’un air de jeunesse, c’était participer au renouveau du vaste monde ; et moi aussi, tout tendu que je fusse dans