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Page:Bourget - Le Disciple.djvu/252

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LE DISCIPLE

elle s’enfuyait. Mais elle m’aimait. Je tenais une preuve de ses sentiments que je n’aurais jamais osé espérer. Je fermai le buvard, je remontai chez moi en hâte, de peur qu’elle ne me surprit, sans laisser ma lettre, que je détruisis à l’instant même. Ah ! il ne s’agissait plus de m’en aller, maintenant. Il s’agissait d’attendre qu’elle revint, et cette fois, j’agirais, je vaincrais… Elle m’aimait…


V

Seconde crise.


Elle m’aimait. L’expérience de séduction instituée par mon orgueil et ma curiosité avait réussi. Cette évidence — car je ne doutai pas une minute de la preuve ainsi surprise — me rendit le départ de la jeune fille non seulement supportable, mais presque doux. Sa fuite s’expliquait par un effort devant ses propres émotions qui m’attestait leur profondeur. Et puis, en s’en allant pour quelques semaines, elle me tirait d’un cruel embarras. Comment agir, en effet ? Par quelle politique sauvegarder, pousser un succès à ce point inespéré ? J’allais avoir le loisir d’y songer pendant cette absence, qui ne pouvait durer bien longtemps, puisque les Jussat ne possédaient d’installation actuelle qu’en Auvergne. Remettant donc à plus tard de combiner un nouveau plan, je m’abandonnai à l’ivresse de l’amour-propre