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Page:Bourget - Le Disciple.djvu/310

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LE DISCIPLE

S’il était arrivé un malheur, cette fille appellerait tout de suite. Avec quel inexprimable soulagement je la vis qui, revenant de là-haut, se dirigeait vers l’office et en sortait, tenant à la main le plateau préparé pour le thé ! Charlotte ne s’était pas tuée. Une espérance me reprit alors. À la réflexion, et une fois son premier mouvement de colère passé, peut-être interpréterait-elle comme une preuve d’amour mon refus de mourir et de la laisser mourir ? J’allais savoir cela aussi. Il suffisait de l’attendre dans la chambre de son frère. Le petit malade touchait alors à la fin de sa convalescence, et, quoique privé de promenades, il déployait la gaieté d’un enfant en train de renaître à la vie. Il m’accueillit ce matin-là par toutes sortes de gentillesses, et sa gracieuse humeur redoubla mon espoir. Elle allait servir à briser la glace entre la sœur et moi. Les mains d’un jeune homme et d’une jeune fille se joignent si vite quand elles s’effleurent autour d’une tête innocente et bouclée. Mais quand Charlotte parut, toute blanche dans sa robe claire qui plombait davantage sa pâleur, prétextant une migraine pour se dérober aux gamineries de Lucien, les yeux brûlés de fièvre entre leurs paupières desséchées et presque fanées, je compris que j’avais cru trop vite à une réconciliation possible. Je la saluai. Elle trouva le moyen de ne pas même répondre à mon salut. J’avais connu d’elle trois personnes