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Page:Bourget - Le Disciple.djvu/314

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LE DISCIPLE

traitent les accusés ; enfin qu’elle voudrait lire mes papiers et ne reculerait pour cela devant aucun scrupule. Je n’ai même pas su deviner qu’elle n’était pas fille à survivre aux hontes que lui représentait ce don d’elle-même accompli dans des circonstances pareilles, et je n’ai pas pensé à supprimer cette fiole de poison que je lui avais refusée. Je me croyais un grand observateur parce que je réfléchissais beaucoup. Les arguties de mes analyses m’en cachaient la fausseté. Il ne fallait pas réfléchir à cette époque. Il fallait regarder. Au lieu de cela, trompé par ce raisonnement que je vous ai fait tout à l’heure, et persuadé que Charlotte m’aimait toujours malgré son mépris, j’essayai de rappeler cet amour par les moyens les plus simples, les plus inefficaces dans cet instant. Je lui écrivis. Je retrouvai ma lettre sur mon bureau, le jour même, non décachetée. J’allai jusqu’à sa porte la nuit et j’appelai. Cette porte était fermée à double tour et l’on ne me répondit pas. Je voulus l’aborder de nouveau. Elle m’écarta de la main avec plus d’autorité encore que la première fois, sans me regarder.

Enfin, le crève-cœur de cette insulte continue fut plus fort que les ardeurs du désir qui recommençaient de s’allumer en moi. Le soir du jour où elle m’avait ainsi repoussé, je me rappelle que je pleurai beaucoup, puis je m’arrêtai à un parti définitif. Un peu de mon énergie ancienne m’était