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Page:Bourget - Le Disciple.djvu/322

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LE DISCIPLE



V

TOURMENTS D’IDÉES


Un mois s’était écoulé depuis que la mère de Robert Greslou avait apporté dans l’ermitage de la rue Guy-de-la-Brosse cet étrange manuscrit qu’Adrien Sixte avait tant hésité à lire. Et le philosophe restait à ce point l’esclave, après ces quatre semaines, du trouble infligé par cette lecture, que mêm les humbles comparses de son entourage avaient dû s’en apercevoir. C’étaient maintenant de continuelles consultations entre Mlle Trapenard et les Carbonnet, dans la loge, emplie d’une odeur de cuir, où la fidèle servante et les judicieux concierges discutaient à perte de vue la cause du bizarre changement survenu dans les manières du célèbre analyste. Cette admirable, cette automatique régularité des sorties et des rentrées qui pendant quinze ans avait fait de Sixte un chronomètre vivant pour ce paisible quartier du Jardin des Plantes s’était transformée du coup en une anxiété fébrile et inexplicable. Le philosophe allait et venait, depuis cette visite de Mme Greslou, comme un homme agité, qui ne peut tenir en place, qui, sitôt en promenade, pense à rentrer, et, sitôt rentré, ne peut pas sup-