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Page:Bourget - Le Disciple.djvu/349

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LE DISCIPLE

unique de sa pensée depuis qu’il avait lu — avec quel serrement de cœur ! — la confession de la morte et le détail de sa misère, de ses égarements, de ses résistances, de son réveil atroce, de sa funeste résolution. Il n’avait qu’à ne pas montrer la lettre qu’il tenait là dans son portefeuille, et le lâche séducteur de la jeune fille était accusé, emprisonné, condamné sans doute. L’honneur du nom de Charlotte était sauvé, car Robert Greslou ne pouvait pas démontrer la nature de ses relations avec la jeune fille. Le marquis et la marquise, ce père et cette mère si confiants, si pénétrés de l’amour le plus vrai envers le souvenir de la pauvre enfant, ignoreraient du moins la faute de cette enfant, qui devait leur être un désespoir nouveau par-dessus l’autre… Et le comte André s’était tu.

Il s’était tu, — non sans un effort violent sur lui-même. Cet homme courageux, qui possédait, par nature et par volonté, les vraies vertus d’un vrai soldat, détestait la perfidie, les compromis de conscience, tous les biais, toutes les lâchetés. Il avait senti que son devoir était de parler, de ne pas laisser accuser un innocent. Il avait eu beau se dire que ce Greslou était l’assassin moral de Charlotte, et que cet assassinat méritait un châtiment comme l’autre ; ce sophisme de sa haine n’avait pas dominé l’autre voix, celle qui nous défend de nous faire les complices d’une iniquité,