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Page:Bourget - Le Disciple.djvu/366

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LE DISCIPLE

espèce d’angoisse de toute la salle. On entendit un cri suivi d’un gémissement ;

— « Il est fou, » disait une voix, « il est fou, ne l’écoutez pas. »

— « Non, mon père, » reprit le comte André, qui reconnut l’accent du marquis, et qui se tourna vers le vieillard comme écroulé sur son banc, « Je ne suis pas fou… J’ai fait ce que l’honneur exigeait… J’espère, monsieur le président, que l’on m’épargnera d’en dire davantage. »

Il avait une supplication dans la voix, cet homme si fier, en disant cette dernière phrase, et elle fut si bien sentie qu’un murmure passa dans la foule quand le président lui répondit :

— « À mon grand regret, monsieur, je ne peux vous accorder ce que vous demandez… L’extrême gravité de la déposition que vous venez de faire ne permet pas à la Justice d’en rester sur des indications que notre devoir — un douloureux devoir, mais un devoir — est de vous forcer à préciser… »

— « C’est bien, monsieur, je ferai, moi aussi, mon devoir jusqu’au bout… » Il y eut dans l’accent avec lequel le témoin jeta cette phrase une telle résolution, que le murmure de la foule céda tout d’un coup la place au silence, et on entendit le président reprendre :

— « Vous avez parlé d’une lettre, monsieur, que vous aurait écrite mademoiselle votre sœur…