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Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/118

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Ces infirmiers, qui n’avaient pas fait la campagne, et à qui jamais rien n’avait manqué, ne savaient pas que, depuis plusieurs jours, nous mangions les chevaux qui nous tombaient sous la main.

Il était 7 heures, lorsque je me disposai à partir pour retourner où était le régiment. Je commençai par prévenir les hommes, au nombre de quatorze, qu’il fallait se réunir et arriver ensemble et en ordre. Avant, nous nous mîmes à manger une bonne soupe au riz, faite avec le bouillon de viande de cheval. Après cela, leur ayant fait mettre sur le dos le sac où ils avaient enfermé leurs grandes pelisses de juifs, nous sortîmes de l’église qui commençait déjà à se remplir de nouveaux venus, malheureux et autres, qui avaient passé la nuit comme ils avaient pu, et de beaucoup d’autres encore qui quittaient leurs régiments, espérant trouver mieux. La faim les faisait rôder dans tous les coins. En entrant, ils ne prenaient pas garde aux cadavres qui obstruaient le passage ; ils passaient dessus comme sur des pièces de bois, ils étaient aussi durs.

Lorsque je fus sur le chemin, je proposai à mes hommes, à qui je contai mon aventure de la cave, d’y venir faire une visite ; ma proposition fut acceptée. Nous en trouvâmes facilement le chemin, car nous avions, pour premier guide, l’homme que Beloque avait laissé mort, ensuite le dragon sur lequel j’étais tombé, et que nous retrouvâmes avec son manteau et sa chaussure de moins. Après avoir passé le fond où étaient les affûts de canon, et où j’avais failli m’endormir, nous arrivâmes à l’endroit où j’avais fait mes remarques dans la neige. Ayant descendu la rampe moins vite que la veille, j’arrivai à la porte que nous trouvâmes fermée. Nous frappâmes, mais personne ne répondit. Elle fut enfoncée de suite, mais les oiseaux étaient envolés ; nous n’y trouvâmes qu’un seul individu, tellement ivre qu’il ne pouvait parler. Je le reconnus pour l’Allemand qui avait voulu me mettre à la porte. Il était enveloppé d’une grosse capote de peau de mouton qu’un musicien du régiment lui enleva, malgré tout ce qu’il put faire pour la défendre. Nous y trouvâmes plusieurs portemanteaux et une malle ; tout cela avait été volé pendant la nuit, mais tout était vide, ainsi que la barrique que le soldat badois avait apportée