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Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/145

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je cherchai encore mon homme et mon sac, mais ce fut comme la première fois ; je n’aperçus rien. Nous fûmes coucher dans un village où il ne restait plus qu’une grange qui servait de maison de poste, et deux ou trois maisons. Ce village s’appelle Kokanow.

Le 22, après avoir passé une nuit bien triste, nous nous remîmes en route de grand matin ; nous marchions avec beaucoup de peine à travers un chemin que le dégel avait rendu fangeux. Avant midi, nous avions atteint Toloczin. C’était l’endroit où l’Empereur avait couché ; lorsque nous fûmes de l’autre côté, l’on nous fit faire une halte ; tous les débris de l’armée se trouvaient réunis ; nous nous mîmes sur la droite de la route, en colonne serrée par division. Un instant après, M. Serraris, officier de notre compagnie, vint me dire qu’il venait de voir Labbé, celui qui avait mon sac, occupé près d’un feu à frire de la galette, et qu’il lui avait ordonné de joindre la compagnie. Il lui avait répondu qu’il allait venir de suite, mais une nuée de Cosaques étant arrivée, avait tombé sur les traînards, et, comme il était du nombre, il avait probablement été pris. Adieu mon sac et tout ce qu’il contenait ! Moi qui avais tant à cœur de rapporter en France mon petit trophée ! Comme j’aurais été fier de dire : « J’ai rapporté cela de Moscou ! »

Non content de ce que M. Serraris venait de me dire, je voulus voir par moi-même, et je retournai en arrière jusqu’au bout du village, que je trouvai rempli de soldats de tous les régiments, marchant isolés, n’obéissant plus à personne. Lorsque je fus à l’extrémité du village, j’en rencontrai encore beaucoup, mais en position de recevoir les Cosaques, si toutefois ils revenaient encore ; on les apercevait de loin qui s’éloignaient, emmenant avec eux les prisonniers qu’ils venaient de faire, ainsi que mon pauvre sac, car mes recherches furent inutiles.

J’étais dans le milieu du village, et je revenais en regardant de droite et de gauche, lorsque je vis une femme, couverte d’une capote de soldat, qui me regardait attentivement, et, l’ayant examinée à mon tour, il me sembla l’avoir quelquefois vue. Comme j’étais reconnaissable à ma peau d’ours, elle me parla la première en me disant qu’elle m’avait vu à Smolensk. Je la reconnus de suite pour la