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Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/185

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encore, nous nous mettons à courir en faisant toujours des détours, afin de leur faire croire que nous fuyons, ensuite nous revenons nous cacher derrière un massif de petits sapins dont les branches, couvertes de neige et de petits glaçons, nous empêchent d’être aperçus.

Celui qui marchait le premier pouvait être éloigné de quarante pas. Picart me dit tout bas : — « À vous, mon sergent, l’honneur du premier coup, mais il faut attendre qu’il avance ! » Pendant qu’il me parlait, le Cosaque faisait signe avec sa lance, à son camarade d’avancer. Il avance encore, et s’arrête pour la seconde fois, en regardant les traces de nos pas. Il pousse son cheval un peu sur la droite et en face du buisson derrière lequel nous étions cachés. Là, il regarde encore, mais d’un air inquiet. Il semble avoir un pressentiment de ce qui doit lui arriver, car il n’est pas à plus de quatre pas du bout de mon fusil, lorsque mon coup part et mon Cosaque est atteint à la poitrine. Il jette un cri et veut fuir, mais Picart s’était élancé sur lui avec rapidité, avait saisi le cheval par la bride, d’une main, et, de l’autre, lui faisait sentir la pointe de sa baïonnette, en criant : « À moi, mon pays ! Voilà l’autre ! Garde à vous ! » Effectivement il n’avait pas lâché la parole, que l’autre arrive, le pistolet à la main, et le décharge à un pied de distance sur la tête de Picart, qui tombe du même coup sous les pieds du cheval dont il tenait toujours la bride. À mon tour, je cours sur celui qui venait de faire feu, mais, me voyant, il jette l’arme qu’il vient de décharger, fait demi-tour, part au grand galop et va se placer à plus de cent pas de nous, dans la plaine. Je n’avais pu tirer une seconde fois sur lui, parce que mon arme n’était pas rechargée ; avec les mains engourdies comme nous les avions, ce n’était pas chose facile. Picart, que je croyais mort ou dangereusement blessé, s’était relevé. Le Cosaque que j’avais atteint et qui s’était toujours tenu à cheval, venait de tomber et faisait le mort.

Picart ne perd pas de temps : il me donne la bride du cheval à tenir, et, sortant de la forêt, se porte de suite à vingt pas en avant, ajuste celui qui avait fui et lui envoie aux oreilles une balle que l’autre évite en se couchant sur son cheval. Ensuite il part au galop ; Picart le voit qui descend le ravin. Il recharge son arme ; ensuite il revient près