Aller au contenu

Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/261

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

çois le maréchal Ney, un fusil à la main, qui accourait à la tête d’une partie de l’arrière-garde.

Les Russes, en le voyant, se mettent à fuir dans toutes les directions ; ceux qui se jettent à droite, du côté de la plaine, trouvent un large fossé rempli de glace et de neige qui les empêche de traverser ; plusieurs s’y enfoncent avec leurs chevaux, d’autres restent au milieu de la route, ne sachant plus où aller. L’arrière-garde s’empara de plusieurs chevaux et fit marcher les cavaliers à pied au milieu d’eux pour, ensuite, les abandonner, car que pouvait-on en faire ? On ne pouvait déjà pas se conduire soi-même.

Je n’oublierai jamais l’air imposant qu’avait le maréchal dans cette circonstance, son attitude menaçante en regardant l’ennemi, et la confiance qu’il inspirait aux malheureux malades et blessés qui l’entouraient. Il était, dans ce moment, tel que l’on dépeint les héros de l’antiquité. L’on peut dire qu’il fut, dans les derniers jours de cette désastreuse retraite, le sauveur des débris de l’armée.

Tout ce que je viens de dire se passa en moins de dix minutes. Daubenton se débarrassait de Mouton, pour s’emparer du cheval de celui qu’il venait de mettre hors de combat, lorsqu’un individu, sortant de derrière un massif de petits sapins, s’avance, fait tomber le cuirassier, saisit la monture par la bride, et s’éloigne. Daubenton lui crie : « Arrêtez, coquin ! C’est mon cheval ! C’est moi qui ai descendu le cavalier ! » Mais l’autre, que je venais de reconnaître pour le grenadier qui, le premier, avait tiré sur les Russes, se sauve avec le cheval, au milieu de la cohue d’hommes qui se pressent d’avancer. Alors Daubenton me crie : « Garde Mouton ! Je cours après le cheval ; il faut qu’il me le rende ou il aura affaire à moi ! » Il n’avait pas achevé le dernier mot, que plus de 4000 traîneurs de toutes les nations arrivent comme un torrent, me séparant de lui et de Mouton, que je n’ai plus jamais revu. Ces hommes, que le maréchal faisait marcher devant lui, étaient après moi sortis de Wilna.

Puisque l’occasion s’est présentée de parler du chien du régiment, ilfaut que je fasse sa biographie :

Mouton était avec nous depuis 1808 ; nous l’avions trouvé en Espagne, près de Benavente, sur le bord d’une rivière