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Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/309

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reposer, sur des arbres qui, par suite des grands vents, étaient tombés déracinés. Je saisissais les branches des buissons dans la crainte de tomber, tant j’étais faible. Mes jambes enfonçaient dans la neige au-dessus de mes bottes, de sorte qu’elle entrait dedans. Cependant je n’avais pas froid, au contraire des gouttes de sueur me tombaient du front, mais les jambes me manquaient. Je sentais une lassitude extraordinaire dans les cuisses, par suite des efforts que je faisais pour me tirer de la neige, où parfois j’enfonçais jusqu’aux genoux. Je n’essaierai pas de dépeindre ce que je souffrais. Il y avait plus d’une heure que je marchais dans les ténèbres, éclairé seulement par les étoiles : ne parvenant pas à sortir de la forêt par la direction qui me semblait la meilleure pour rejoindre la route et n’en pouvant plus, épuisé, essoufflé, je prends le parti de me reposer. Je m’appuie contre un tronc d’arbre où je reste immobile. Un instant après, j’entends les aboiements d’un chien, je regarde de ce côté : je vois briller une lumière, je pousse un soupir d’espérance, et, rassemblant tout ce que j’avais de forces, je me dirige dans cette nouvelle direction. Mais, arrivé à trente pas, j’aperçois quatre chevaux et, autour du feu, quatre Cosaques assis, et trois paysans, parmi lesquels je reconnais le cantinier et sa femme que j’avais rencontrés, pris probablement par les Cosaques qui avaient voulu s’emparer de moi ; je reconnus facilement celui qui avait un coup de sabre à la figure, car je n’étais pas à vingt pas d’eux.

Je les regardai pendant assez de temps, me demandant si je ne ferais pas bien de m’approcher et de me rendre plutôt que de mourir comme un misérable au milieu du bois, car la vue du feu me tentait, mais quelque chose que je ne saurais dire me fit faire le contraire. Je me retirai machinalement. Je les regardai encore : je remarquai qu’il ne leur manquait rien, car plusieurs pots en terre étaient autour du feu. Ils avaient de la paille, et les chevaux avaient du foin.

Dans l’impossibilité de suivre, à cause de la quantité d’arbres, la direction que j’aurais voulu, je fus obligé d’appuyer à gauche : heureusement pour moi, car, après avoir fait quelques pas, je trouvai la forêt plus claire, mais la