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Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/329

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Il pouvait être huit heures du matin ; il en était deux de l’après-midi lorsque je m’éveillai.

Picart mit entre mes jambes un petit plat de terre contenant de la soupe au riz que je mangeai avec plaisir, et en regardant à droite et à gauche, car je cherchais à me reconnaître. À la fin, tout se débrouilla dans mes idées, de manière à me rappeler ce qui m’était arrivé depuis vingt-quatre heures.

J’étais dans mes réflexions, lorsque Picart m’en tira pour me conter ce qui lui était arrivé depuis que nous nous étions séparés, à Wilna : « Après avoir chassé les Russes qui s’étaient présentés sur les hauteurs de Wilna, on nous fit revenir sur la place ; de là, on nous conduisit au faubourg situé sur la route de Kowno, pour être de garde chez le roi Murat qui venait de quitter la ville. Là, je vous cherchai, pensant que vous aviez suivi, et je fus étonné de ne plus vous voir. À minuit, on nous fit partir pour Kowno, accompagnant le roi Murat et le prince Eugène qui, aussi, était logé au faubourg. Mais, arrivés au pied de la montagne, il ne nous a pas été possible de la traverser, à cause de la quantité de neige et du nombre de voitures et de caissons sur la route qui la traversait.

« Lorsqu’il fit un peu jour, le roi et le prince parvinrent à continuer leur chemin en tournant la montagne, mais tant qu’à moi et quelques autres, comme nous n’avions pas de chevaux, nous nous engageâmes par le chemin. Bien nous en prit, car nous eûmes l’occasion de monter les premiers à la roue et de faire quelques pièces de cinq francs… à votre service, entendez-vous, mon pays ? » Picart continua à me faire un détail de sa marche jusqu’au moment où le hasard me le fit rencontrer.

Alors je lui dis que c’était toujours un bonheur pour moi, chaque fois que je le rencontrais, mais que, cette fois, j’étais plus heureux encore puisque je le retrouvais colonel. Il se mit à rire en me disant que c’était une ruse de guerre dont, plus d’une fois, il s’était servi pour conserver un beau logement ; que, depuis hier, il s’était fait colonel et était reconnu pour tel par ceux qui étaient avec lui, puisqu’ils lui rendaient les honneurs.

Picart me dit qu’a 3 heures, il devait y avoir une revue du