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Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/338

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on ne peut plus étonnés de voir que nous n’avions plus d’armes : les Prussiens nous avaient pris nos fusils déposés contre la porte. Nous crions, nous jurons : « Nous voulons nos armes, ou nous mettons le feu à la maison ! » Mais le paysan jure à son tour qu’il n’a rien vu ; il fallut se décider à partir sans armes. Heureusement qu’après une heure de marche, nous rencontrâmes un fourgon parti le matin de Gumbinnen avec un chargement de fusils de la Garde impériale, de sorte que nous pûmes en prendre d’autres. Enfin nous arrivâmes à Wehlau à trois heures.

Nous vîmes plus de deux mille soldats rassemblés près de l’Hôtel de Ville, attendant des billets de logement. Un grand coquin de Prussien s’avance près de nous, et nous dit que, si nous voulons, pour peu de chose, il nous logera chez lui ; qu’il a une chambre bien chaude, de la paille pour nous coucher, et une écurie pour notre cheval. Nous acceptâmes avec empressement. Arrivés chez lui, il met le cheval à l’écurie, nous fait monter au second, et là, nous entrons dans une chambre passablement malpropre ; il en était de même de la paille, mais il faisait chaud, c’était l’essentiel.

Nous vîmes paraître une femme qui avait près de six pieds de haut, et une vraie figure de Cosaque ; elle nous dit qu’elle était la bourgeoise de la maison, et que, si nous avions besoin de quelque chose, nous n’avions qu’à lui donner de l’argent, qu’elle irait nous le chercher. C’était ce que nous demandions, car pas un de nous n’était disposé à sortir. Je lui donne cinq francs pour aller nous chercher du pain, de la viande et de la bière. Un instant après, elle nous apporta de l’un et de l’autre ; on fit la soupe, et, après avoir mangé et nous être assurés que notre cheval ne manquait de rien, nous nous reposâmes jusqu’au lendemain matin.

Avant de partir, nous donnâmes à notre bourgeoise une pièce de cinq francs pour la nuit, mais elle nous dit que cela ne suffisait pas ; alors nous lui en donnâmes une seconde. Mais ce n’était pas encore son compte ; elle exigea que nous lui donnions une pièce de cinq francs par chaque homme, plus une pour le cheval.

Alors je me levai pour lui dire qu’elle n’était qu’une grande canaille et qu’elle n’aurait pas davantage. À cela, elle me répondit en me passant la main sur la figure et en