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Page:Bourgogne - Mémoires du Sergent Bourgogne.djvu/367

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comme la sienne. Il était tellement reconnaissable qu’il ne fallait l’avoir vu qu’une fois pour se le rappeler. À propos de Pierson, je vais conter un fait pour venir à l’appui de ce que je viens de dire.

Au commencement de cette campagne, à l’époque où nous étions à Wilna, capitale de la Lithuanie, un jour qu’il était de garde à la manutention, c’était le 4 juillet, au moment où l’on faisait construire de grands fours pour la cuisson du pain de l’armée, l’Empereur fut voir si les travaux avançaient. Pierson, qui était le chef du poste, voulut profiter de cette occasion pour solliciter la décoration et, s’avançant près de Sa Majesté, il la lui demanda. L’Empereur lui répondit : « C’est bien ! Après la première bataille ! » Depuis, nous eûmes le siège de Smolensk, la grande bataille de la Moskowa, ainsi que plusieurs autres pendant la retraite. Mais l’occasion ne se présenta pas pour lui de rappeler à l’Empereur sa promesse, car ce n’était pas le cas d’en parler, pendant la retraite désastreuse que nous fîmes et où il eut le bonheur d’échapper. Ce ne fut qu’à Paris, quelques jours après notre retour, le 16 mars 1813, à la Malmaison, où nous passions la revue, le même jour où je fus nommé lieutenant, que Pierson put rappeler à l’Empereur la promesse qu’il lui avait faite et, s’approchant de lui, l’Empereur lui demanda ce qu’il voulait : « Sire, répondit-il, je demande la croix à Votre Majesté. Vous me l’avez promise. — C’est vrai, répond l’Empereur en souriant, à Wilna, à la manutention ! » Il y avait dix mois que cette promesse lui avait été faite. Ainsi l’on voit que l’individu avait une figure à ne pas oublier ; mais, aussi, quelle mémoire avait l’Empereur !

Je citerai encore d’autres témoins :

M. Peniaux, de Valenciennes, directeur des postes et relais de l’Empereur, qui m’a vu mourant, couché sur la neige, sur le bord de la Bérézina.

M. Melet, dragon de la Garde, que j’ai souvent rencontré dans la retraite, traînant son cheval par la bride et faisant des trous dans la glace sur les lacs, pour lui donner à boire. Il était de Condé, du même endroit que moi. On pouvait le citer comme un des meilleurs soldats de l’armée. Avant d’entrer dans la Garde, M. Melet avait déjà fait les cam-